1. Qu’est ce que les PFAS
Généralement désignés sous le nom de perfluorés, les PFAS (per- et polyfluoroalkylées) sont une large famille de plusieurs milliers de substances caractérisées par une chaine carbonée portant des atomes de fluor. Antiadhésives, imperméabilisantes, résistantes aux fortes chaleurs, ces substances qui n’existent pas à l’état naturel, sont largement utilisées dans divers domaines industriels et produits de consommation courante (ustensiles de cuisine, médicaments, maquillage, vêtements imperméables ou goretex…) mais aussi par les services de sécurité incendie et sur les aéroports (mousses ignifuges).
Les PFAS se dégradent très peu après utilisation ou rejet dans l’environnement, d’où leur qualification de « polluants éternels ».
2. Des PFAS en Rhône Alpes mais pas uniquement
En 2022, 3 enquêtes journalistiques sur les pollutions par les PFAS ont pointé les pollutions associées de plusieurs sites industriels en Europe
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/02/23/polluants-eternels-explorez-la-carte-d-europe-de-la-contamination-par-les-pfas_6162942_4355770.html
Mais aussi en France et pour certaines en Rhône Alpes :
- Pierre-Bénite dans la vallée de la chimie au sud de Lyon avec 2 entreprises concernées : Arkema et Daikin Chemical. Les 2 sociétés produisent des polymères fluorés et manipulent à ce titre des PFAS qui se retrouvent présents de manière plus ou moins importante dans les rejets à l’issue du processus industriel en fonction des systèmes de traitement mis en place.
- Rumilly en Haute Savoie avec le site de production des ustensiles de cuisine Téfal aujourd’hui propriété de SEB
La publication de ces enquêtes et la mobilisation citoyenne qui a suivi, ont conduit la DREAL et l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes à mener des évaluations quant à l’imprégnation effective des milieux par les PFAS.
Actuellement 35 PFAS sont analysés en AURA (les 20 faisant l’objet de la directive sur l’eau potable, les PFAS utilisés actuellement ou par le passé dans le secteur du Sud Lyonnais).
Cette contamination touche les sites industriels mais pas que et se retrouve dans les sols, l’eau (l’alimentation en eau potable de 166 000 personnes) l’air, les légumes, les œufs, le lait maternel.
Tout le territoire situé au sud de la métropole (Lyon 7 et 8, Oullins, Pierre Bénite, Saint Genis Laval, la vallée de l’Ozon, Givors, Feyzin) est concerné ainsi que nombre d’autres communes via la distribution d’eau potable à partir de captages pollués aux PFAS (champs captants de Grigny et Ternay), ou l’épandage des boues chargées de « polluants éternels », issues de la station d’épuration de Givors, dans des champs à Meyzieu, Genas ou encore Saint-Laurent-de-Mure. Ainsi que la vallée du Garon.
La pollution aux PFAS devient un enjeu de santé publique majeur tant pour les salariés des entreprises concernées que pour les populations.
A priori, le danger des PFAS est soupçonné depuis le début des années 2000. Cela pose question, car jusqu’à récemment ni l’Etat ni les gouvernements successifs n’ont assumé pleinement leurs compétences en matière de contrôle des installations classées pour l’environnement et de contrôle sanitaire, avec la DREAL, l’agence de l’eau et l’ARS.
https://www.google.com/search?client=firefox-b-lm&q=dreal++AURA+PFAS
Daikin a mis en service en 2017, une station visant à traiter 99 % des rejets du composé PFAS utilisé dans l’eau et faisait figure de bon élève mais la presse a dévoilé récemment que les rejets dans l’air affichaient des teneurs 1800 fois supérieures aux normes. De plus un dossier d’extension de son site de Pierre-Bénite, dans laquelle seront utilisés des perfluorés de catégorie 1B/H360 a été déposé.
Cependant cette nouvelle est inquiétante pour pour plusieurs raisons :
- la composition exacte de ces molécules est non-divulguée au motif du secret industriel, impossible donc de savoir si elle rentre dans le cadre d’une réglementation
- la catégorie 1B/H360 est présentée comme pouvant nuire au fœtus, et présentant un risque sanitaire
- Daikin s’est engagé à chercher des alternatives à ces PFAS dans les 36 mois qui suivront la mise en route de ce site, mais sans préciser ce qu’elle ferait si ces alternatives n’étaient pas trouvées
- les déchets de ces molécules devraient être rejetés dans l’air via un système de brûleurs et de filtres atténuant leur quantité, mais il n’y a aucune indication sur la manière dont ces rejets seront contrôlés
Arkema a mis en place un système de traitement par charbons actifs fin 2022 et a annoncé l’arrêt de l’utilisation du PFAS concerné, le 6:2 FTS, au 31 décembre 2024 au plus tard, ce qui a été confirmé et prescrit par arrêté préfectoral le 23 septembre 2022.
3. Les mesures mises en place par les établissements publics et l’État
Dès 2022, la DREAL et l’ARS ont mis en place un plan de surveillance renforcé de ces 2 entreprises, sous l’égide de la préfecture.
15 établissements ont fait l’objet d’une surveillance renforcée sur 600 sites identifiés comme potentiellement émetteurs en AURA. Des contrôles inopinés ont concerné 156 établissements entre juin 2022 et novembre 2023
Au niveau national ce sont 5 000 exploitants d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), qui sont désormais tenus de les rechercher dans leurs rejets aqueux
Le Gouvernement a publié en janvier 2023 un plan d’action PFAS 2023-2027 visant à réduire les risques à la source, à poursuivre la surveillance des milieux, à accélérer la production des connaissances scientifiques et à faciliter l’accès à l’information pour les citoyens.
Cependant, les nouvelles informations et annonces publiées régulièrement par les médias et par la DREAL, le rapport rendu en janvier 2024 par le Député C. Isaac Sybille https://cyrille.isaac-sibille.fr/mission-gouvernementale-pfas/
conduisent à renforcer encore l’action publique sur cet enjeu majeur de santé. Un nouveau plan interministériel a été dévoilé le 5/04/2024 dans la foulée de l’adoption à L’Assemblée nationale en première lecture, le 4 avril d’une proposition de loi des députés écologistes destinée à limiter la diffusion des « polluants éternels ». Le texte doit désormais être étudié au Sénat.
L’article principal du texte prévoit d’interdire, à partir du 1er janvier 2026, la fabrication, l’importation et la vente de tout produit cosmétique, produit de fart (pour les skis) ou produit textile d’habillement contenant des PFAS, à l’exception des vêtements de protection pour les professionnels de la sécurité et de la sécurité civile.
Les ustensiles de cuisine, comme les poêles antiadhésives, ont en revanche été exclus de cette loi, Les industriels du secteur dont SEB actuel propriétaire de Téfal ayant instrumentalisé leurs salariés en brandissant la menace pour l’emploi que ferait peser une telle interdiction.
Concernant la connaissance de l’imprégnation des populations, depuis le début des années 2000, Santé publique France pilote le programme national de biosurveillance. Ce programme permet d’établir des valeurs d’imprégnation de référence en population générale. Dès l’étude Esteban (2014-2016), Santé publique France a caractérisé l’exposition de la population à certaines substances de la famille des PFAS.
L’enquête Albane, qui prend la suite d’Esteban, actualisera sur l’ensemble du territoire national ces valeurs de référence. Elle sera copilotée par Santé publique France et l’ANSES. La phase pilote de cette étude nationale commencera en 2024 et le terrain du premier cycle de 2025 à 2026 pour des résultats à partir de 2028 sur le volet biosurveillance. Cette étude, qui pourra faire des focus régionaux dans le futur, pourra être utile pour les acteurs menant des études de biosurveillance locales comme par exemple celle portée par la Métropole de Lyon et l’Institut éco-citoyen de Fos sur Mer , intitulée Perle. L’étude Perle est suivie par une étudiante en double cursus ENTPE et Sciences pô dans le cadre de sa thèse.
https://www.institut-ecocitoyen.fr/page.php?idp=38&idt
D’ores et déjà, Santé publique France apportera son expertise auprès de la Métropole de Lyon et l’Institut éco-citoyen de Fos sur Mer afin d’échanger sur la méthodologie retenue localement et ainsi garantir la compatibilité technique des résultats obtenus avec les valeurs d’imprégnations mesurées auprès de la population générale.
La secrétaire générale de la préfecture du Rhône, la DREAL, l’ARS, la DRAAF et la DDPP ont monté, dans le cadre de la coordination interministérielle assurée par la préfecture, un comité de suivi avec les élus de la Métropole de Lyon et des communes longeant le Rhône situées à l’aval de Pierre Bénite. Le périmètre initial du comité a ensuite été élargi pour intégrer d’autres communes volontaires et compte à présent une cinquantaine de participants. Ce comité s’est réuni à 11 reprises, entre juillet 2022 et mars 2024.
4. Les actions conduites par les associations, des communes, la métropole et les citoyens
Dans le même temps les élus de différentes communes se sont mobilisés : des motions ont été votées dans certains conseils municipaux appelant à plus de transparence, 37 communes (plutôt groupe politique synergie) ont porté plainte.
La métropole a également porté plainte pour que soit déterminé les responsabilités et permettre ainsi la prise en charge des coûts auxquels elle doit faire face pour garantir l’accès à l’eau potable de ses habitants (installation de filtres à charbon, nouveaux raccordements suite à la mise en sommeil de certains captages) et l’enquête de santé conduite par le laboratoire écocitoyen. Des perquisitions ont été diligentées le 10/04/24 sur les sites des entreprises Daikin et Arkema du Rhône.
Des associations se sont constituées (CAPIPSSOL, Ozon l’eau saine, PFAS contre terre…) pour informer les citoyens et agir auprès des services publics.
Le collectif « Plus jamais ça » désormais « Alliance écologique et sociale » s’est porté parti civil et a déposé des plaintes en référé. Débouté, à 2 reprises, il se pourvoit actuellement en cassation.
La CGT s’est prononcée pour la protection des travailleurs qui ne doivent pas faire les frais des décisions des entreprises.
Ces dernières doivent mettre en place toutes les mesures pour garantir un suivi de santé spécifique, le suivi individuel renforcé (SIR) comme cela existe pour les salariés et ex salariés de l’amiante.
https://www.inrs.fr/risques/amiante/maladies-professionnelles.html
Des manifestants se sont introduits début mars 2024 sur le site Arkéma. Pierre Bénite pour déployer une banderole. 8 d’entre eux seront jugés le 18 juin pour ce fait.
5. Les communistes du Rhône demandent que :
- Toutes les mesures de protection de la population, des salariés et de l’environnement soient prises
- Une transparence totale vis-à-vis des populations sur les risques encourus, en particulier liés à la consommation d’eau potable et de produits alimentaires ;
- L’application stricte de l’arrêté préfectoral du 23/09/2022 concernant l’entreprise Arkema
- Le financement par l’État d’enquêtes sanitaires pour déterminer les périmètres de contamination, et le soutien à la recherche publique fondamentale pour mieux documenter les effets de ces polluants sur la santé humaine et vétérinaire et sur la biodiversité, dans l’attente que soient établies les responsabilités industrielles
- Le financement par l’État des installations nécessaires pour assurer la distribution d’eau potable dans l’attente que soient établies les responsabilités industrielles
- Le suivi de la pollution en PFAS dans les captages d’eau potable
- Un programme de dépollution des sols et des nappes phréatiques avec des outils financiers initiés par l’Etat et mettant à contribution les pollueurs – notamment les entreprises de l’industrie chimique et le soutien à des programmes de recherche sur les méthodes de dépollution spécifiques aux PFAS
- L’indemnisation des exploitations agricoles qui pourraient être concernées par des pertes d’exploitation liées à l’imprégnation de leurs produits
- Le soutien aux collectivités territoriales qui accompagnent les sites industriels concernés dans leur transition écologique et dans l’amélioration de leurs procédés visant à la suppression progressive des PFAS
- Une vaste étude d’imprégnation auprès des habitants riverains, des salariés et ex salariés des entreprises concernées.
6. Nationalement Le PCF exige que :
- Les nouvelles échéances votées le 5 avril 2024 à l’assemblée nationale soient appliquées
- Les ustensiles de cuisine soient ré-intégrés à la loi votée à l’assemblée nationale le 5/04/24 à l’occasion de son passage au sénat puis en 2ème lecture
- Les salariés et ex salariés des entreprises concernées bénéficient du suivi individuel renforcé (SIR) comme c’est le cas pour les salariés de l’amiante et que une étude spécifique de type Esteban ou Perle soit menée auprès des salariés et ex salariés sur la base du volontariat, pour être mise en miroir des autres études en cours
- Les principes de précaution et du pollueur – payeur soient appliqués
7. Dans le cadre des élections européennes de 2024, exigeons :
- la participation de la France à l’initiative de l’Allemagne, du Danemark, des Pays-Bas, de la Norvège et de la Suède pour l’interdiction des PFAS par l’Union européenne
- L’Inscription de la révision du règlement européen REACH dans le programme de la commission pour sécuriser la fabrication et l’utilisation des substances chimiques dans l’industrie européenne.
- Une révision de la liste des PFAS au vu des listes existantes hors Europe et pour lesquels les recherches scientifiques ont déjà démontré les risques pour la santé